samedi 4 janvier 2014

UN DÎNER AVEC LA PRINCESSE HERMINE de CLERMONT TONNERRE


J'ai dîné l'autre soir avec la Princesse Hermine de Clermont-Tonnerre et avec mon ami Crébillon, fils de son père, nous nous demandions comment cette femme qui n'a rien appris, ou s’est crue dans l'obligation de tout oublier, peut-elle parler sans cesse ? C'est qu'elle n'a pas de fonds à épuiser. Quelques mots favoris, quelques tours précieux, quelques exclamations, de fades sourires, de petits airs fins, lui tiennent lieu de tout. Eh bien ! oui, elle disserte sans raisonner, et voilà ce qui fait le sublime de sa personne.

La princesse Hermine de Clermont -Tonnerre évite souvent de dire des choses pensées. Elle laisse au vulgaire, et le soin de penser, et la crainte de penser faux. Persuadée d'ailleurs que, plus l'esprit est cultivé, moins il conserve de naturel, elle s’est volontairement bornée à quelques idées frivoles, sur lesquelles elle voltige sans cesse ; ou, si par hasard elle sait quelque chose, c'est d'une façon si superficielle, elle en fait elle-même si peu de cas, qu'il serait impossible de lui donner des ridicules là-dessus. Rien n'est plus indécent pour elle que de passer pour savant.

Si elle a le bon ton de décider toujours, elle n'a point celui de justifier jamais sa décision. Ignorer tout, et croire n'ignorer rien ; ne rien voir, quelque chose que ce puisse être, qu'elle ne méprise ou ne loue à l'excès ; se croire également capable du sérieux et de la plaisanterie ; ne craindre jamais d'être ridicule, et l'être sans cesse ; mettre de la finesse dans ses tours et du puéril dans ses idées ; prononcer des absurdités, les soutenir, les recommencer : voilà ce qui caractérise et qui fait la gloire de la Princesse Hermine de Clermont-Tonnerre.

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